L’usine laitière de Sidi Bou Ali, autrefois un pilier de la production nationale de lait en Tunisie, est au cœur d’une nouvelle dynamique. Après plusieurs années de fermeture et de difficultés financières, l’État tunisien envisage de reprendre le contrôle de cette infrastructure stratégique. Cette initiative pourrait marquer un tournant décisif pour la filière laitière nationale et les centaines de familles directement touchées par la cessation d’activité de l’usine.
Un site industriel clé pour la production laitière
L’usine laitière de Sidi Bou Ali a été inaugurée le 13 juin 1978, et a longtemps figuré parmi les plus grandes unités de transformation du lait en Tunisie. À son apogée, elle produisait entre 400 000 et 500 000 litres de lait par jour durant la période de pointe, de janvier à avril, avant de stabiliser sa production autour de 300 000 litres par jour durant les mois d’été. En 2005, l’usine a été privatisée et cédée à deux investisseurs tunisiens pour un montant de 8 millions de dinars, tout en conservant une participation de 15 % dans le capital à travers la Banque nationale agricole (BNA). Cependant, cette privatisation n’a pas permis de garantir la pérennité de l’activité, et l’usine a progressivement accumulé des dettes importantes.
Une fermeture qui a fragilisé le secteur et les employés
En 2018, l’usine a cessé ses activités en raison de graves difficultés financières et de soupçons de corruption. Cette fermeture a entraîné le licenciement de près de 200 employés, tandis que 154 travailleurs sont restés officiellement rattachés à la société sans percevoir de salaires depuis plusieurs années. Les dettes de l’usine ont atteint 105 millions de dinars, rendant toute tentative de relance extrêmement complexe. Cette situation a eu un impact direct sur la filière laitière tunisienne, qui a dû compenser la perte de production par une augmentation des importations et une restructuration des circuits de distribution.
L’État reprend la main : une nouvelle opportunité pour le secteur
Face à cette impasse, l’État tunisien, via la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), a récemment soumis une offre à la Cour de Sousse pour l’acquisition de l’usine. Cette proposition est actuellement en attente d’une décision judiciaire qui devra statuer sur son approbation ou non. L’intervention directe du président Kaïs Saïed a également joué un rôle clé dans cette tentative de reprise. Selon Mohsen Jaballah, secrétaire général du syndicat de base de l’usine, cette initiative pourrait mettre fin à la crise qui affecte la région et permettre une relance progressive de la production.
Les enjeux de la relance de l’usine
Si l’acquisition par l’État est validée, plusieurs défis devront être relevés pour garantir une reprise efficace de l’activité. Tout d’abord, le rétablissement des infrastructures sera une priorité, car après plusieurs années d’inactivité, l’usine nécessitera des investissements conséquents pour remettre en état les équipements et assurer une production conforme aux normes sanitaires en vigueur. Sans ces rénovations, la relance risquerait de se heurter à des contraintes techniques et de productivité. Ensuite, le redéploiement des employés constituera un enjeu majeur. La réintégration des travailleurs licenciés et la mise en place d’un plan social adapté seront indispensables pour garantir une transition harmonieuse et limiter les tensions liées à la fermeture prolongée de l’usine. Assurer des conditions de travail stables et motivantes permettra de restaurer une dynamique positive au sein du personnel et d’améliorer progressivement la production. Enfin, la stabilisation du marché du lait sera essentielle pour consolider la filière laitière nationale. La reprise des activités de l’usine pourrait contribuer à réduire la dépendance aux importations tout en renforçant la production locale. Une meilleure régulation du marché permettrait ainsi d’atténuer les fluctuations de prix et d’assurer une plus grande accessibilité du lait aux consommateurs tunisiens. Toutefois, cette stabilisation nécessitera une coordination efficace entre les producteurs, les transformateurs et les autorités afin de garantir une gestion durable du secteur.
Conclusion : un espoir pour la filière laitière tunisienne
La reprise de l’usine laitière de Sidi Bou Ali par l’État tunisien représente une opportunité majeure pour la filière laitière nationale. En redonnant vie à cette infrastructure stratégique, la Tunisie pourrait non seulement renforcer sa production locale, mais aussi offrir une solution aux nombreux travailleurs affectés par la fermeture de l’usine. Toutefois, la réussite de cette relance dépendra de la capacité des autorités à mettre en place une gestion efficace et transparente, garantissant une production durable et compétitive. Les prochaines semaines seront décisives pour déterminer l’avenir de cette usine emblématique et son rôle dans l’économie agricole tunisienne.