La Tunisie fait face à une pénurie d’eau de plus en plus critique. En 2025, la disponibilité annuelle en eau douce est tombée sous les 450 m³ par habitant, bien en dessous du seuil de pénurie fixé à 1 000 m³. Cette situation est exacerbée par des sécheresses prolongées, une urbanisation rapide et une agriculture qui consomme près de 80 % des ressources hydriques.
Face à cette urgence, le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, en partenariat avec la FAO, a lancé le 26 juin 2025 le projet TEC-EAU (Technologies innovantes pour renforcer l’offre en eau), une initiative nationale pour tester des solutions technologiques adaptées aux défis climatiques et hydriques du pays.
TEC-EAU : quatre technologies pour une gestion durable
Le projet TEC-EAU a pour objectif d’évaluer l’efficacité de quatre technologies innovantes dans différentes régions pilotes du pays, en réponse aux défis croissants de la pénurie d’eau. La première solution consiste à utiliser des films monomoléculaires, appliqués à la surface des barrages afin de réduire l’évaporation des eaux stockées de 30 à 50 % ; cette technologie est actuellement testée dans les retenues de Zaghouan et de Siliana. La deuxième innovation concerne l’installation de panneaux photovoltaïques flottants sur les plans d’eau à Sidi Bouzid et Kairouan. Ceux-ci permettent non seulement de produire de l’électricité à partir d’une source renouvelable, mais aussi de limiter l’évaporation en créant de l’ombrage à la surface de l’eau. Une troisième piste explorée est celle de l’ensemencement des nuages, expérimenté dans les zones semi-arides telles que Gafsa et Kasserine. Cette technique vise à stimuler les précipitations en injectant dans les nuages des substances hygroscopiques, capables d’attirer l’humidité. Enfin, le projet explore la construction de barrages souterrains dans les régions désertiques comme Tataouine et Médenine. Ces infrastructures permettent de capter les eaux de crue temporaire et de recharger efficacement les nappes phréatiques, tout en limitant les pertes liées à l’évaporation. Chacune de ces solutions est adaptée à un contexte géographique spécifique et s’inscrit dans une logique de gestion durable et territorialisée des ressources en eau.
Une approche participative et territoriale
Le projet TEC-EAU repose sur une démarche intégrée, tenant compte des spécificités locales. Des ateliers de concertation ont été organisés avec les acteurs institutionnels, dont la SECADENORD, la DGPA et la DGACTA. L’objectif est de garantir l’appropriation des technologies par les usagers et leur adaptation aux réalités du terrain. Hamadi Habaieb, secrétaire d’État chargé des ressources en eau, a souligné que « la synergie entre la recherche scientifique, l’innovation et l’action publique est essentielle pour bâtir une résilience hydrique durable ».
Un modèle pour la région
Le représentant de la FAO en Tunisie, Mohamed Amrani, a indiqué que les résultats du projet pourraient servir de référence pour d’autres pays confrontés à des défis similaires. En intégrant des solutions à la fois hydriques et énergétiques, TEC-EAU s’inscrit dans la stratégie nationale de transition écologique et énergétique.
Perspectives à court et moyen terme
Les premiers résultats des expérimentations sont attendus d’ici fin 2025. En cas de succès, une phase de généralisation pourrait être lancée dès 2026, avec le soutien de bailleurs internationaux comme la Banque mondiale et la Banque africaine de développement. Le projet prévoit également des actions de formation pour les techniciens et les agriculteurs, ainsi qu’un cadre réglementaire pour encadrer l’usage des nouvelles technologies.