Face à la raréfaction des ressources en eau et aux effets du changement climatique, la Tunisie explore des solutions innovantes pour préserver son patrimoine hydrique. C’est dans ce contexte que le gouvernorat de La Manouba a lancé, en septembre 2025, un projet pilote de gestion intelligente de l’eau basé sur l’intelligence artificielle (IA), les systèmes d’information géographique (SIG) et la télédétection. Ce projet s’inscrit dans le cadre de l’initiative internationale PRIMA (Partenariat pour la Recherche et l’Innovation dans la zone Méditerranéenne), qui vise à renforcer la résilience des pays euro-méditerranéens face aux enjeux environnementaux. Il bénéficie d’un financement annuel de 45 000 euros, sur un budget global de 2,6 millions d’euros.
Une expérimentation scientifique au service des agriculteurs
Le projet a été lancé dans une ferme de la région de Hanna, dans la délégation de El-Jedida (gouvernorat de Manouba), avec le soutien du ministère de l’Agriculture, de l’Université de Tunis El Manar et de la Direction Générale de l’Eau. Il repose sur l’installation d’équipements sophistiqués dans des puits artésiens, capables de mesurer en temps réel plusieurs paramètres de l’eau, notamment la salinité, la température et le débit. Ces données sont ensuite analysées par des algorithmes d’intelligence artificielle, croisés avec des images satellites et des cartes SIG, afin de fournir aux agriculteurs des recommandations précises pour optimiser l’irrigation, réduire les pertes et améliorer la qualité des sols.
Comparaison entre le Nord et le Sud tunisien
L’expérimentation ne se limite pas à La Manouba. Une seconde zone pilote a été sélectionnée dans le gouvernorat de Gabès, au sud du pays. L’objectif est de comparer l’impact des changements climatiques entre deux régions aux conditions agro-climatiques contrastées, et d’identifier les solutions les plus adaptées à chaque territoire. Selon Salwa Saidi, chercheuse universitaire et conceptrice du projet, cette approche comparative permettra de mieux comprendre les dynamiques de salinisation, de baisse des précipitations et d’engorgement des sols argileux, qui affectent gravement la productivité agricole dans plusieurs régions tunisiennes.
Une technologie accessible et évolutive
L’un des atouts majeurs du projet est sa dimension participative. Les équipements installés sont conçus pour être facilement utilisables par les agriculteurs, qui reçoivent une formation sur l’interprétation des données et l’ajustement des pratiques agricoles. À terme, le projet prévoit d’élargir son périmètre à un plus grand nombre d’exploitants, notamment dans les zones à haut risque hydrique. Cette démocratisation de la technologie vise à réduire la fracture numérique dans le monde rural et à favoriser une agriculture plus intelligente, plus durable et plus résiliente.
Des résultats prometteurs pour la sécurité alimentaire
Les premiers résultats du projet sont encourageants. Les agriculteurs impliqués ont constaté une amélioration de la gestion de l’eau, une réduction des coûts d’irrigation et une meilleure qualité des récoltes. Ces avancées contribuent directement à la sécurité alimentaire, en renforçant la productivité tout en préservant les ressources naturelles. Le projet s’inscrit dans une stratégie nationale de transition écologique, qui mise sur les technologies de pointe pour répondre aux défis du XXIe siècle : réchauffement climatique, stress hydrique, dégradation des sols et croissance démographique.
Une Tunisie pionnière dans l’IA agricole
La participation de la Tunisie au Forum Méditerranéen de l’Intelligence Artificielle, prévu en novembre 2025 à Tunis, confirme l’ambition du pays de devenir un acteur régional de l’innovation technologique. Ce forum réunira des experts de cinq pays (Tunisie, Maroc, Algérie, Égypte et Liban) pour travailler sur la gouvernance de l’IA et le développement de projets structurants dans les domaines de l’eau, de la santé et de l’agriculture. Un fonds d’amorçage de 2 millions d’euros, financé par la France, a été annoncé pour soutenir les startups méditerranéennes spécialisées dans l’intelligence artificielle. La Tunisie, grâce à ses talents et à ses initiatives comme celle de La Manouba, pourrait bien jouer un rôle central dans cette dynamique régionale.
Conclusion : L’intelligence artificielle, levier d’une agriculture durable en Tunisie
Le projet pilote de La Manouba illustre parfaitement comment la technologie peut servir l’agriculture et contribuer à la préservation des ressources naturelles. En combinant IA, SIG et télédétection, la Tunisie ouvre la voie à une agriculture de précision, capable de relever les défis du climat et de garantir un avenir plus vert pour ses agriculteurs.