À la date du 8 septembre 2025, la campagne de récolte des raisins de cuve dans le gouvernorat de Nabeul a atteint un taux d’avancement de 85 %, selon les déclarations de Chokri Bouziri, président de l’Union locale de l’agriculture et de la pêche à Grombalia. Ce chiffre marque une étape importante dans une saison marquée par des conditions climatiques contrastées et une baisse significative de la production. Malgré les contraintes, les producteurs ont su maintenir une dynamique de récolte soutenue, témoignant de la résilience du secteur viticole tunisien.
Une campagne lancée le 13 août
La campagne de récolte a débuté officiellement le 13 août 2025. Elle mobilise près de 3 000 producteurs répartis dans les principales délégations viticoles du gouvernorat, à savoir Grombalia, Bou Argoub, Takelsa et Korba. Ces régions constituent le noyau historique de la viticulture tunisienne, avec une forte concentration de savoir-faire, d’infrastructures et de traditions agricoles liées au raisin de cuve. Le démarrage de la récolte a été marqué par une organisation logistique efficace, facilitée par la coordination entre les agriculteurs, les coopératives et les unités de transformation.
Une production en recul : 17 000 tonnes contre 25 000 en 2024
Les prévisions pour la campagne 2025 font état d’une production totale de 17 000 tonnes de raisins de cuve dans le gouvernorat de Nabeul. Ce chiffre est en net recul par rapport à la saison précédente, qui avait enregistré une récolte de 25 000 tonnes. Cette baisse de près de 8 000 tonnes, soit environ 30 %, s’explique par plusieurs facteurs. D’une part, la réduction des superficies cultivées, notamment dans les zones touchées par la sécheresse, a limité le potentiel de production. D’autre part, le vieillissement des ceps, combiné à un manque de renouvellement variétal, a contribué à une baisse de rendement. Enfin, bien que les précipitations aient été relativement abondantes durant la dernière campagne agricole, les effets cumulés du changement climatique continuent d’impacter la qualité et la quantité des récoltes.
Grombalia : 1 000 hectares pour 50 % de la production régionale
La délégation de Grombalia illustre parfaitement les dynamiques contrastées du secteur. Avec une superficie cultivée d’environ 1 000 hectares dédiée au raisin de cuve, elle assure à elle seule près de 50 % de la production régionale, soit environ 8 000 tonnes. Cette performance s’explique par une densité de plantation élevée, une maîtrise technique des agriculteurs et une proximité stratégique avec les circuits de commercialisation. Grombalia reste ainsi un pôle viticole incontournable, malgré les défis structurels auxquels elle est confrontée.
Des défis persistants : irrigation et coûts de production
Malgré une commercialisation jugée fluide cette saison, les producteurs de raisins de cuve doivent faire face à plusieurs contraintes majeures. Le manque d’eau d’irrigation reste une problématique centrale, aggravée par la baisse des nappes phréatiques et l’irrégularité des pluies. Par ailleurs, les coûts de production ont connu une flambée significative. Les prix des engrais et des produits phytosanitaires ont augmenté de 20 à 40 % en moyenne depuis 2023, impactant directement la rentabilité des exploitations. À cela s’ajoute le vieillissement des exploitants et des ceps, avec une dynamique de replantation encore trop faible pour assurer le renouvellement du parc viticole.
Nabeul : 70 % de la production nationale
Le gouvernorat de Nabeul conserve une place centrale dans la filière viticole tunisienne. Il assure à lui seul environ 70 % de la production nationale de raisin de cuve, ce qui en fait un territoire stratégique pour l’approvisionnement des unités de vinification du pays. Cette concentration géographique confère à la région une responsabilité particulière, mais elle l’expose également à des risques systémiques en cas de crise climatique ou phytosanitaire. La dépendance nationale vis-à-vis de Nabeul appelle à une diversification territoriale et à une meilleure structuration de la filière à l’échelle nationale.
Commercialisation : entre stabilité et opportunités
La commercialisation des raisins de cuve ne rencontre pas de difficultés majeures cette année. Les coopératives et les unités de transformation ont maintenu leurs capacités d’absorption, permettant aux producteurs d’écouler leurs récoltes dans des conditions relativement stables. Les prix pratiqués oscillent entre 600 et 800 millimes le kilo, selon la qualité et la variété des raisins. Toutefois, les opportunités d’exportation restent limitées, en raison d’un manque de certification généralisée et d’une structuration logistique insuffisante. L’Union locale de Grombalia plaide pour le renforcement des infrastructures de stockage et de conditionnement, l’appui à la labellisation des produits (IGP, bio, raisin sans résidu) et l’encouragement à la replantation et à la diversification variétale.
Perspectives : revitaliser un secteur vital
Face aux défis climatiques et économiques, plusieurs pistes sont envisagées pour revitaliser la filière du raisin de cuve. Parmi elles, un programme de replantation ciblée pour remplacer les ceps vieillissants apparaît comme une priorité. La mise en place de systèmes d’irrigation économes en eau, tels que le goutte-à-goutte ou la récupération des eaux pluviales, pourrait également améliorer la résilience des exploitations. Le renforcement des partenariats entre producteurs, coopératives et institutions de recherche est essentiel pour favoriser l’innovation agronomique. Enfin, la digitalisation de la traçabilité et des données agronomiques permettrait une meilleure gestion des parcelles et une valorisation accrue des produits.
Témoignage : « Il faut sauver le raisin de cuve »
Chokri Bouziri, président de l’Union locale de Grombalia, résume l’enjeu avec clarté : « Le raisin de cuve est plus qu’une culture, c’est une identité régionale. Il faut le sauver en investissant dans la replantation, la formation et la valorisation. » Ce témoignage met en lumière la nécessité d’une mobilisation collective pour préserver un patrimoine agricole et économique essentiel à la région de Nabeul et à la Tunisie tout entière.