Du 1ᵉʳ au 16 août 2025, le gouvernorat de Mahdia, et plus précisément la ville de Sidi Alouane, accueille la 35ᵉ édition du Festival maghrébin du miel. Cette manifestation, créée en 1990, s’est imposée comme un rendez-vous majeur de l’agriculture et du patrimoine vivant en Tunisie et dans tout le Maghreb. Elle rassemble chaque année une diversité d’acteurs : apiculteurs professionnels, artisans locaux, chercheurs, passionnés du terroir et grand public. Au fil des éditions, le festival a évolué pour devenir une vitrine régionale de l’excellence apicole, de la coopération maghrébine et de l’innovation rurale.
En 2025, l’événement marque un record en matière de participation et de volume présenté. On compte 26 exposants, dont 14 tunisiens et 12 étrangers venus d’Algérie, du Maroc et de Libye. Ensemble, ils exposent près de 20 tonnes de miel, réparties en 65 lots, chacun soigneusement préparé et présenté au public. Les organisateurs soulignent une forte dynamique commerciale et une demande croissante pour les produits naturels, traçables et respectueux des normes sanitaires.
Qualité du miel et sécurité alimentaire au cœur du festival
L’un des piliers du festival réside dans son engagement pour la qualité et la transparence. Une commission technique, réunissant des représentants de l’Office national de l’élevage et des pâturages, de l’UTAP et de l’Instance nationale de la sécurité sanitaire des produits alimentaires, est chargée de réaliser des analyses approfondies sur les échantillons proposés. Ces évaluations portent sur des critères scientifiques rigoureux tels que le taux de sucre, d’humidité, la pureté du miel et l’absence de substances chimiques ou antibiotiques. Grâce à ces contrôles, les organisateurs garantissent aux visiteurs la conformité des produits aux standards internationaux, tout en sensibilisant les producteurs aux enjeux de santé publique et de compétitivité durable.
Changements climatiques et défis de l’apiculture maghrébine
Le thème central de cette 35ᵉ édition est l’impact du changement climatique sur l’apiculture, un sujet préoccupant et d’actualité. Une conférence scientifique, ouverte au public et aux professionnels, met en lumière les effets de la sécheresse prolongée sur la floraison, la disparition progressive des colonies d’abeilles, et les nouvelles adaptations nécessaires. Selon les données de l’Institut national de la météorologie, la région de Mahdia a enregistré une hausse moyenne des températures de 1,2°C entre 2000 et 2020, accompagnée d’une diminution significative des précipitations annuelles. Ce dérèglement entraîne une raréfaction des ressources mellifères et affecte directement la production et la santé des ruches. Les intervenants, dont des chercheurs, climatologues et responsables agricoles, soulignent l’urgence d’agir en renforçant la résilience du secteur par la diversification des pratiques, la sélection d’espèces mellifères adaptées et la modernisation des outils de surveillance. L’objectif est de permettre à l’apiculture maghrébine de faire face aux aléas tout en préservant sa vitalité économique et son rôle écologique.
Culture, artisanat et valorisation du patrimoine
Au-delà des enjeux agricoles, le festival propose une programmation culturelle riche et variée. Les visiteurs découvrent des expositions artisanales mettant en valeur la céramique locale, les textiles traditionnels et les produits cosmétiques naturels à base de miel. Des spectacles folkloriques, des concerts de musique populaire et des ateliers pédagogiques pour les enfants rythment les journées. Ces activités créent un cadre convivial propice aux échanges interculturels et à la découverte du patrimoine rural tunisien. Les stands de dégustation attirent un large public curieux de goûter aux différentes variétés de miel – du romarin à l’eucalyptus – ainsi qu’aux produits dérivés comme les pains sucrés, les sirops médicinaux, ou les crèmes corporelles biologiques. Cette mise en avant du miel sous toutes ses formes renforce son image de produit sain, polyvalent et emblématique de la richesse locale.
État de l’apiculture tunisienne : chiffres et perspectives
Le secteur apicole en Tunisie se caractérise par son dynamisme et son potentiel, bien qu’il reste en quête de structuration. En 2024, on dénombrait environ 12 000 apiculteurs répartis sur l’ensemble du territoire, dont 60 % exercent de manière semi-professionnelle. La production nationale annuelle est estimée à 2 500 tonnes, tandis que la consommation moyenne par habitant reste relativement faible, autour de 0,3 kg par an. Les régions les plus productives sont Mahdia, Kairouan, Siliana et Jendouba, où les conditions climatiques et florales restent favorables malgré certaines contraintes. Cependant, le secteur fait face à des défis majeurs : manque de formation technique, difficulté d’accès au crédit et aux équipements modernes, concurrence des produits importés et vulnérabilité face aux conditions climatiques extrêmes. C’est pourquoi le festival joue un rôle stratégique en mobilisant les acteurs autour de solutions durables et innovantes.
Apiculture durable et inclusion sociale : vers une nouvelle vision
La 35ᵉ édition du Festival maghrébin du miel s’inscrit dans une démarche inclusive et durable. Les organisateurs mettent en avant des initiatives comme les ruches connectées pour le suivi sanitaire, les programmes de formation pour les jeunes, et le soutien à l’entrepreneuriat rural féminin. Ces actions contribuent à rendre l’apiculture plus moderne, plus équitable et mieux intégrée dans les stratégies de développement agricole. Ce festival dépasse ainsi le simple cadre de la promotion des produits de la ruche : il devient un espace de dialogue, d’échange et de co-construction entre les générations et les territoires. Sidi Alouane confirme son rôle de capitale du miel maghrébin, et ce rendez-vous annuel reste une source d’inspiration pour les acteurs de l’agriculture et de l’économie rurale.
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