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samedi 20 septembre 2025
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Filière oléicole tunisienne sous pression : comment gérer 500 000 tonnes d’huile d’olive ?

La Tunisie, l’un des principaux producteurs mondiaux d’huile d’olive, fait face en 2025 à une situation inédite : une surproduction massive qui menace la stabilité économique de toute la filière. Selon les dernières estimations du ministère de l’Agriculture et du Conseil oléicole international (COI), la récolte pour la saison 2024–2025 a atteint 340 000 tonnes d’huile d’olive, un chiffre déjà supérieur à la moyenne des dix dernières années. Mais les prévisions pour la campagne 2025–2026 sont encore plus spectaculaires : jusqu’à 500 000 tonnes pourraient être produites.

Cette abondance, bien qu’elle témoigne de la résilience du secteur agricole tunisien, engendre des déséquilibres majeurs. Les prix à l’exportation ont chuté de près de 30 %, tandis que les coûts de production continuent d’augmenter, notamment en raison de la hausse des prix de l’énergie, des emballages et du transport. Les producteurs, les propriétaires de moulins et les exportateurs se retrouvent ainsi dans une impasse économique, avec des marges de plus en plus réduites.

Des députés mobilisés pour sauver la filière oléicole

Face à cette crise, plusieurs députés tunisiens ont remis, le 17 septembre 2025, un rapport final sur le secteur de l’huile d’olive au président du Parlement qui l’a ensuite transmis au Président de la République. Ce rapport est le fruit de la « réunion du point 74 », tenue le 13 septembre à Tunis, en présence de plus de 2 000 acteurs du secteur : agriculteurs oléiculteurs, propriétaires de huileries, exportateurs et représentants de la société civile. Le document appelle à des mesures urgentes pour éviter une crise structurelle. Parmi les recommandations immédiates figure la facilitation des procédures administratives pour permettre aux moulins d’épandre le grignon d’olive résidu solide issu de l’extraction  sur les terres agricoles, y compris celles appartenant au domaine public. Cette pratique, qui permet de valoriser les sous-produits de la trituration, est actuellement freinée par une réglementation complexe et peu adaptée aux réalités du terrain.

L’exportation comme levier de régulation

L’une des pistes envisagées pour absorber la surproduction est l’intensification des exportations. La Tunisie a déjà démontré sa capacité à conquérir de nouveaux marchés. En juin 2025, elle a fourni 24,5 % de l’huile d’olive importée par les États-Unis, soit 16 158 tonnes, contre seulement 5 917 tonnes durant la campagne précédente. Cette progression de plus de 170 % montre que le potentiel est réel, mais encore sous-exploité. Toutefois, la majorité des exportations tunisiennes se font en vrac, ce qui limite la valeur ajoutée. À fin août 2025, sur les 252 700 tonnes exportées depuis le début de la campagne, seulement 14,7 % étaient conditionnées, contre 13,2 % l’année précédente. L’huile d’olive biologique conditionnée ne représente que 6,1 % du total des exportations bio. Ces chiffres soulignent l’urgence de développer des stratégies de valorisation, notamment par le conditionnement, le marketing territorial et la certification qualité.

Vers une stratégie nationale de valorisation

Les experts du secteur appellent à une refonte globale de la stratégie oléicole tunisienne. Il ne s’agit plus seulement de produire, mais de transformer, valoriser et diversifier les débouchés. Cela passe par l’amélioration des infrastructures de stockage, la modernisation des huileries, la formation des producteurs à la qualité et à la traçabilité, ainsi que par une diplomatie économique plus agressive pour ouvrir de nouveaux marchés. La participation tunisienne au salon World Food Moscow 2025 illustre cette volonté d’internationalisation. Onze entreprises tunisiennes y ont présenté leurs produits phares, dont l’huile d’olive vierge extra, dans le but de renforcer leur présence sur le marché russe, qui représente déjà 62 % des exportations agroalimentaires tunisiennes vers ce pays.

Une filière stratégique à préserver

L’huile d’olive est bien plus qu’un produit agricole en Tunisie : elle est un pilier économique, social et culturel. Le secteur mobilise plus de 300 000 familles, couvre près de 1,8 million d’hectares et représente jusqu’à 40 % des exportations agricoles du pays. Sa durabilité est donc essentielle pour l’équilibre des régions rurales, la sécurité alimentaire et la balance commerciale.  Mais sans mesures rapides et coordonnées, la surproduction pourrait se transformer en crise durable. Les appels des parlementaires, des professionnels et des experts doivent être entendus. Il est impératif que le gouvernement mette en place un plan d’action à court, moyen et long terme pour réguler le marché, soutenir les producteurs et repositionner l’huile d’olive tunisienne comme un produit premium sur les marchés internationaux.

Conclusion : une opportunité à transformer en succès

La surproduction d’huile d’olive en Tunisie en 2025 est un défi, mais aussi une opportunité. Elle révèle la capacité de la filière à produire en abondance, mais aussi ses fragilités structurelles. En mobilisant tous les acteurs  publics, privés et civils autour d’une vision commune, la Tunisie peut transformer cette crise en levier de croissance durable. L’heure est à l’action. La filière oléicole tunisienne mérite un accompagnement stratégique, une gouvernance agile et des investissements ciblés pour faire de l’huile d’olive un fleuron national, reconnu et valorisé à l’échelle mondiale.

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