Le mildiou de la tomate, causé par Phytophthora infestans, est une maladie cryptogamique qui affecte gravement la production agricole en Tunisie. En 2025, la filière tomate industrielle connaît une baisse de rendement estimée à 850 000 tonnes, soit une diminution de 15 % par rapport à l’année précédente. Cette régression est principalement due à la propagation du mildiou, qui touche plusieurs régions productrices, notamment Nabeul, où les pertes atteignent 40 %. Cette maladie fongique, favorisée par des conditions climatiques humides et des températures modérées, entraîne des pertes considérables et menace la pérennité de la filière agricole.
L’importance de la culture de la tomate en Tunisie
La culture de la tomate en Tunisie est d’une importance capitale pour l’économie du pays. En tant que deuxième producteur africain après l’Algérie, la Tunisie a longtemps maintenu une production stable dépassant 1 million de tonnes en 2024. La culture est répartie entre les cultures sous serre et en plein champ, chacune ayant des spécificités propres. La tomate sous serre bénéficie d’une production précoce avec des semis en décembre-janvier, suivis d’une transplantation en février-mars et d’une récolte entre juin et septembre. En plein champ, le cycle débute par des semis en pépinière en janvier-février, une transplantation en mars-avril et une récolte qui s’étale de juillet à octobre. Cependant, en raison de la propagation du mildiou et de divers facteurs économiques et climatiques, la superficie cultivée a fortement diminué, passant de 11 000 hectares en 2017 à seulement 6 000 hectares en 2025. Ce recul affecte particulièrement la production industrielle, qui repose en grande partie sur les cultures destinées à la transformation.
Mécanisme d’infection et symptômes
Le mildiou est une maladie causée par Phytophthora infestans, un oomycète appartenant au règne des Chromista. Contrairement aux champignons classiques, les oomycètes possèdent des caractéristiques spécifiques qui influencent leur mode de propagation et leur impact sur les cultures. Leur absorbotrophie leur permet de puiser directement les nutriments de leur hôte, favorisant leur croissance rapide. Grâce à leurs hyphes intercellulaires, ils colonisent les tissus végétaux, perturbant le métabolisme de la plante et entraînant une nécrose accélérée. L’infection débute par la germination des spores sur les feuilles de tomate, généralement en présence d’une forte humidité. Une fois déposées sur les surfaces végétales, ces spores libèrent des zoospores mobiles, qui pénètrent les tissus via les stomates ou les micro-lésions. Dès lors, le pathogène envahit les cellules de la plante et inhibe ses mécanismes de défense. Cette invasion rapide entraîne la formation de nouvelles spores, qui se disséminent par le vent et l’eau, assurant ainsi une propagation accélérée de la maladie..
Les premiers symptômes du mildiou apparaissent sous forme de taches huileuses sur les feuilles. Très vite, ces taches évoluent en lésions brunes qui se propagent de manière exponentielle. La face inférieure des feuilles développe une moisissure blanche, signe de la sporulation du pathogène. Les tiges commencent à flétrir, ce qui entraîne un dépérissement rapide de la plante. Les fruits sont également touchés, devenant déformés et pourris, ce qui impacte leur valeur marchande et la qualité de la production. Lorsque la maladie atteint un stade avancé, elle peut détruire jusqu’à 100 % des cultures en quelques jours, surtout si les conditions climatiques lui sont favorables.
Facteurs aggravants et défis pour les agriculteurs
En 2025, la propagation du mildiou en Tunisie est exacerbée par plusieurs facteurs. Les conditions climatiques qui se sont caractérisés notamment les précipitations excessives et les températures modérées, ont facilité l’installation du pathogène et engorgé les sols, perturbant le calendrier des traitements phytosanitaires. Par ailleurs, de nombreux agriculteurs dénoncent l’inefficacité des traitements importés, qui ne semblent pas adaptés aux spécificités locales. L’augmentation du coût des intrants agricoles, notamment des fongicides et des fertilisants, rend leur utilisation inaccessible pour de nombreux exploitants, aggravant ainsi la vulnérabilité des cultures. En parallèle, la réduction des surfaces cultivées constitue un problème majeur. La Tunisie, autrefois un acteur majeur de la filière tomate industrielle, voit ses terres dédiées à cette culture se réduire progressivement, mettant en péril l’approvisionnement des industries de transformation et les exportations du pays. Face à ces défis, la Fédération régionale des producteurs de tomates appelle à la mise en place d’une commission technique nationale afin d’évaluer les pertes et proposer des solutions adaptées, notamment en fixant un prix de référence de 350 millimes par kilogramme pour garantir une rentabilité aux producteurs.
Stratégies de lutte et perspectives pour la filière tomate
La lutte contre le mildiou passe par une approche intégrée, combinant des pratiques culturales adaptées, des traitements phytosanitaires ciblés et un soutien institutionnel renforcé. L’amélioration des pratiques culturales est une solution clé, notamment par la rotation des cultures, qui empêche la persistance des spores dans le sol, et l’introduction de variétés résistantes, comme les hybrides F1, qui montrent une meilleure tolérance au pathogène. L’optimisation des traitements phytosanitaires est également essentielle. Les fongicides à base de cuivre restent une solution efficace, bien que leur usage doive être contrôlé pour éviter l’apparition de souches résistantes. Des alternatives biologiques, telles que les extraits de prêle et de bardane, sont actuellement étudiées pour leurs propriétés antifongiques préventives. L’encadrement et la formation des agriculteurs jouent un rôle clé dans la gestion de la maladie. La mise en place de programmes de sensibilisation permettrait de diffuser les meilleures pratiques de prévention et de traitement. Enfin, un soutien financier et politique est nécessaire pour stabiliser la filière. La création de fonds d’indemnisation pour les agriculteurs sinistrés, ainsi qu’une régulation du coût des intrants, contribuerait à sécuriser la production et à préserver la compétitivité du secteur.
À long terme, la recherche agronomique et l’innovation technologique seront déterminantes dans la lutte contre le mildiou. L’introduction de cultures génétiquement améliorées, combinée à une gestion intégrée des maladies, pourrait permettre de réduire les pertes et d’assurer une production plus résiliente face aux aléas climatiques et pathogènes. La mise en place de systèmes de surveillance épidémiologique pourrait également être envisagée pour anticiper les attaques de mildiou et adapter les stratégies de lutte en temps réel.
Conclusion
Le mildiou de la tomate représente un défi majeur pour l’agriculture tunisienne en 2025. La baisse des rendements et les difficultés rencontrées par les producteurs soulignent l’urgence d’une réponse coordonnée, impliquant les autorités, les chercheurs et les agriculteurs. La mise en place de solutions adaptées, tant sur le plan technique qu’économique, sera essentielle pour préserver la filière et garantir la sécurité alimentaire du pays. Si des mesures rapides et efficaces sont prises, la Tunisie pourrait non seulement surmonter cette crise, mais aussi renforcer sa résilience face aux futures menaces phytosanitaires.