L’agriculture tunisienne, riche de son patrimoine et de ses savoir-faire ancestraux, est aujourd’hui au cœur d’une initiative visant à préserver et valoriser ses systèmes agricoles traditionnels. Le label SIPAN (Systèmes Ingénieux du Patrimoine Agricole National) se positionne comme un outil stratégique pour reconnaître et promouvoir ces pratiques, tout en renforçant leur candidature à l’échelle internationale sous le programme SIPAM (Systèmes Ingénieux du Patrimoine Agricole Mondial) porté par la FAO.

Une reconnaissance nationale pour un patrimoine agricole unique

Le 23 mai 2025, un séminaire national s’est tenu à l’Union Tunisienne de l’Agriculture et de la Pêche (UTAP), réunissant experts, agriculteurs et acteurs du secteur. L’objectif principal était de poser les bases d’une certification nationale SIPAN, qui permettrait d’identifier les systèmes agricoles à fort potentiel et de les inscrire dans une dynamique de conservation et de développement durable. Parmi les zones concernées, plusieurs régions tunisiennes se distinguent par leurs pratiques agricoles traditionnelles. Le Nord-Ouest, notamment les gouvernorats de Béja et Jendouba, est reconnu pour ses cultures céréalières et ses techniques de gestion de l’eau adaptées aux conditions climatiques. Le Cap Bon, avec Nabeul en tête, est célèbre pour ses vergers et ses méthodes de préservation des variétés locales de fruits. Enfin, le Sud tunisien, notamment Gabès et Tataouine, repose sur des systèmes ingénieux de gestion des ressources hydriques, essentiels à l’agriculture oasienne.

L’enjeu de la biodiversité et du rôle des femmes rurales

L’un des points forts du label SIPAN est son engagement en faveur de la biodiversité agricole et du rôle central des femmes rurales dans la transmission des savoir-faire. Ces dernières jouent un rôle clé dans la conservation des semences locales, la fabrication d’engrais naturels et la gestion raisonnée de l’eau.  L’un des enjeux majeurs auxquels font face les systèmes agricoles traditionnels en Tunisie est la gestion des ressources hydriques. Dans plusieurs régions, l’accès à l’eau reste un défi de taille pour les agriculteurs, qui doivent adapter leurs pratiques à des conditions climatiques de plus en plus instables. Selon les données de l’Office National de l’Agriculture (ONAGRI), en mai 2025, les réserves hydriques nationales atteignaient 974,5 millions de mètres cubes, soit un taux de remplissage moyen de 41,1 %. Toutefois, ces chiffres masquent des disparités importantes : si les barrages du Nord affichent un taux relativement stable de 47,9 %, permettant le maintien des systèmes d’irrigation traditionnels, la situation est bien plus préoccupante dans le Centre du pays, où les réserves ne dépassent que 14,9 %, menaçant plusieurs exploitations agricoles qui dépendent de ces ressources. Quant au Cap Bon, avec un taux intermédiaire de 30,1 %, les agriculteurs doivent redoubler d’ingéniosité pour préserver leurs cultures et optimiser leur consommation d’eau. Face à ces défis, le label SIPAN joue un rôle essentiel en mettant en lumière les pratiques agricoles adaptées aux conditions locales. Parmi elles, l’irrigation raisonnée, l’usage des puits traditionnels et la conservation des variétés résistantes à la sécheresse permettent aux exploitations de maintenir leur productivité tout en préservant l’équilibre écologique.

Vers une reconnaissance internationale

L’initiative SIPAN vise à faciliter l’inscription des systèmes agricoles tunisiens sur la liste mondiale des SIPAM, reconnue par la FAO. Cette reconnaissance permettrait aux agriculteurs de bénéficier d’un soutien accru, notamment en matière de financement, de formation et de promotion sur les marchés internationaux. L’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), qui porte le programme SIPAM depuis près de quatre ans, encourage les gouvernements à renforcer les capacités des agriculteurs et à soutenir les femmes artisanes, véritables gardiennes de la diversité biologique et du patrimoine alimentaire.

Conclusion

Le label SIPAN représente une avancée majeure pour l’agriculture tunisienne. En valorisant les pratiques traditionnelles et en renforçant leur visibilité à l’échelle mondiale, il offre aux agriculteurs une opportunité unique de préserver leur savoir-faire tout en s’adaptant aux défis contemporains. Avec une mise en œuvre efficace et un soutien institutionnel fort, la Tunisie pourrait bientôt voir ses systèmes agricoles traditionnels figurer parmi les Systèmes Ingénieux du Patrimoine Agricole Mondial, assurant ainsi leur pérennité et leur reconnaissance internationale