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mercredi 12 novembre 2025
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Les cultures Ramli de Ghar El Melh : un patrimoine agricole unique menacé de disparition

Les cultures « Ramli », pratiquées dans la zone humide de Ghar El Melh au nord de la Tunisie, représentent un système agricole ancestral et ingénieux, reconnu comme unique au monde. Ce modèle repose sur l’exploitation des sols sableux en bord de mer, où les agriculteurs utilisent les phénomènes naturels de marée et de filtration pour irriguer leurs parcelles sans recours à des systèmes artificiels. Pourtant, ce patrimoine est aujourd’hui gravement menacé par l’urbanisation, le changement climatique et le manque de protection institutionnelle.

Un système agricole fondé sur l’intelligence écologique

Les cultures « Ramli » tirent leur nom du mot arabe « ramel » (sable), car elles sont implantées directement dans les dunes littorales. Grâce à un phénomène de filtration naturelle des eaux salées, l’eau de mer s’infiltre dans les couches sableuses, se déminéralise partiellement, et devient utilisable pour irriguer des cultures maraîchères comme la pomme de terre, l’oignon, la laitue, l’aubergine ou les haricots. Ce système repose sur un équilibre fragile entre la mer, la lagune et les sols. Il permet de maintenir une humidité constante, de limiter l’évaporation et de préserver la biodiversité locale. Il est également économe en ressources, ne nécessitant ni pompage ni infrastructure lourde.

Reconnaissance internationale mais protection insuffisante

En juin 2020, la FAO a reconnu les cultures Ramli comme Système Ingénieux du Patrimoine Agricole Mondial (SIPAM), soulignant leur valeur écologique, sociale et culturelle. Cette reconnaissance a mis en lumière le savoir-faire des agriculteurs de Ghar El Melh, qui perpétuent des techniques transmises depuis des générations.

Cependant, malgré ce statut prestigieux de Système Ingénieux du Patrimoine Agricole Mondial (SIPAM), les cultures « Ramli » demeurent extrêmement vulnérables. En 2025, seuls 180 agriculteurs perpétuent encore cette pratique unique dans la région de Ghar El Melh. Plusieurs menaces pèsent sur leur pérennité. L’empiétement progressif du domaine public maritime réduit les surfaces cultivables disponibles, tandis que le retard dans l’ouverture des canaux hydrauliques reliant la lagune à la mer perturbe gravement le cycle naturel d’irrigation, essentiel à ce système. Par ailleurs, la pression foncière liée à l’urbanisation croissante fragilise davantage cet équilibre écologique. Enfin, les effets du changement climatique notamment la montée du niveau de la mer et la salinisation des sols  accentuent les risques de disparition de ce patrimoine agricole exceptionnel.

Des solutions urgentes à mettre en œuvre

Pour préserver ce système unique que sont les cultures Ramli de Ghar El Melh, plusieurs actions s’avèrent indispensables. Il est d’abord crucial de délimiter et de protéger juridiquement les zones concernées en les reconnaissant comme patrimoine naturel et agricole, afin d’éviter leur empiétement par l’urbanisation ou d’autres usages non agricoles. La réhabilitation des canaux d’eau reliant la lagune à la mer est également prioritaire pour restaurer le cycle hydrologique naturel qui permet l’irrigation par infiltration. En parallèle, un soutien technique et financier aux agriculteurs est nécessaire pour maintenir cette pratique exigeante et transmettre les savoir-faire associés. La valorisation des produits issus des cultures Ramli dans les circuits de qualité et de terroir contribuerait à renforcer leur attractivité économique. Enfin, une sensibilisation accrue du public et des décideurs à l’importance de ce modèle pour la résilience climatique et la sécurité alimentaire permettrait de mobiliser un appui durable en faveur de sa sauvegarde.

Conclusion : un équilibre à sauvegarder

Les cultures Ramli de Ghar El Melh ne sont pas seulement un mode de production agricole. Elles incarnent une harmonie rare entre l’homme et son environnement, un savoir-faire adapté aux contraintes du littoral et une source d’inspiration pour l’agroécologie moderne. Leur disparition serait une perte irréversible pour le patrimoine tunisien et pour l’agriculture mondiale.

 

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